Y-aurait-il une plus grande preuve sur la crypto-judéité d'Atatürk que celle donnée par un journaliste juif travaillant pour un journal juif? Sans doute non. Pourtant, cette preuve est très peu connue du grand public malgré des affirmations édifiantes basées sur un récit autobiographique d'un autre journaliste juif qui a lui même rencontré Mustafa Kemal. Ces affirmations ont été publiées dans les colonnes du journal New-Yorkais The Forward par Hillel Halkin le 28 Janvier 1994. Dans cet article, Halkin reprend un extrait de l'autobiographie de Itamar Ben-Avi qui raconte comment il a rencontré un officier turc (qui deviendra plus tard Atatürk) dans le bar d'un hôtel à Jérusalem lors de la première guerre mondiale. Lors de deux échanges qu'ils auront autour de plusieurs verres d'alcool, Mustafa Kemal va alors lui révéler ses véritables et mystérieuses origines.
Les lignes qui suivent reprennent entièrement l'article de Hillel Halkin traduit (du mieux que possible) en français.
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L'article du Forward écrit par Hillel Halkin |
Des histoires sur la judéité d’Ataturk, dont la statue se dresse sur la place principale de chaque village et ville de Turquie, ont déjà été diffusées de son vivant mais elles ont été démenties par lui et sa famille et elles n'ont jamais été prises au sérieux par les biographes. Sur les six biographies de lui que j’ai consultés cette semaine, aucune ne mentionne une telle spéculation. La seule référence scientifique sur lui dans la presse que je pouvais trouver était dans les premières lignes sur Ataturk dans le Israeli Entsiklopedya ha-Ivrit, qui commence ainsi: « Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), général et homme d'État turc et fondateur de l'Etat turc moderne ». Mustafa Kemal est né au sein de la famille d'un employé des douanes à Salonique et a perdu son père quand il était jeune. Il n'y a aucune preuve de la croyance, largement répandue chez les juifs et les musulmans en Turquie, que sa famille venait des Dönmehs. Dans son jeune âge, il se rebella contre la volonté de sa mère qui voulait lui donner une éducation religieuse traditionnelle, et à l'âge de 12 ans, il a été envoyé à sa demande pour étudier dans une école militaire.
Le faux messie Sabbataï Zevi |
Ali Riza |
Kinross en soupçonnait-il plus qu'il en affirmait? Je n’aurais jamais posé une question telle si je n’avais pas récemment lu un chapitre remarquable lors de l’exploration de l'autobiographie en hébreu épuisé d'Itamar Ben-Avi, fils de Eliezer Ben-Yehuda, le principal promoteur de la renaissance de l'hébreu parlé à la fin de 19ème siècle en Palestine. Ben-Avi, le premier enfant à être élevé en hébreu depuis les temps anciens et plus tard un journaliste hébreu et éditeur d’un journal, raconte dans ce livre sa promenade dans l'Hôtel Kamenitz à Jérusalem une nuit d'automne en 1911 et avoir été interpelé par son propriétaire :
- Voyez-vous cet officier turc assis là dans le coin, celui avec la bouteille d'arak?
- Oui.
- Il est l'un des officiers les plus importants dans l'armée turque.
- Quel est son nom?
- Mustafa Kemal.
- Je tiens à le rencontrer, lui dis-je, parce qu’à la minute où je l'ai regardé, je fut surpris par ses yeux verts perçants.
Ben-Avi décrit deux entretiens avec Mustafa Kemal, qui n'avait pas encore pris le nom d'Atatürk, « Père des Turcs ». Les deux ont été réalisés en français, ils ont été largement consacré à la politique ottomane, et ont été arrosés avec de beaucoup d’arak. Dans le premier de ceux-ci, Kemal a confié :
- Je suis un descendant de Sabbetai Zevi - pas plus un Juif en conséquence, mais un fervent admirateur de ce prophète qui est le votre. Mon opinion est que chaque Juif dans ce pays ferait bien de rejoindre son camp.
Au cours de leur deuxième entretien, tenue 10 jours plus tard dans le même hôtel, Mustafa Kemal dit à un moment :
- J’ai à la maison une Bible hébraïque imprimée à Venise. Elle est assez vieille, et je me souviens que mon père m’a emmené à un enseignant Karaïte qui m'a appris à la lire. Je me souviens encore quelques mots, comme…
Et Ben-Avi continue : « Il se tut un instant, ses yeux à la recherche de quelque chose dans l'espace. Puis il s’est repris :
- Shema Yisrael, Adonaï Elohenu, Adonaï Ehad !
- C’est notre prière la plus importante capitaine.
- Et ma prière secrète aussi, cher monsieur, répondit-il, tout en remplissant nos verres. »
Bien que Itamar BenAvi ne pouvait pas le savoir, Ataturk a sans doute assez littéralement récité « la prière secrète ». Parmi les prières ésotériques du Dönmeh, la première à être connue dans le monde scientifique quand un des livres concernés est entrée dans la Bibliothèque nationale à Jérusalem en 1935, est celle contenant la confession de foi: « Sabbetai Zevi et personne d'autre est le vrai Messie. Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est unique. » C’était sans aucun doute de ce crédo, plutôt que de la Bible, que Ataturk s’est rappelé des mots du Shema, qui, au meilleur de mes souvenirs, a avoué le savoir mais une fois dans sa vie d'adulte : à un jeune journaliste hébreu avec qui il a été engagé dans deux conversations animées avec de l’alcool à Jérusalem près d'une décennie avant qu'il ait pris le contrôle de l'armée turque après sa défaite désastreuse dans la Première Guerre mondiale, a battu les Grecs lors de leurs invasion et fondé une république turque laïque dans laquelle l'Islam a été banni - une fois pour toutes, ce qu'il croyait - dans les mosquées.
Ataturk avait eu de bonnes raisons de dissimuler ses origines Dönmehs. Non seulement les Dönmehs (qui se mariaient seulement entre eux et au nombre de près de 15.000, largement concentrée dans Salonique à la veille de la Première Guerre mondiale) étaient méprisés comme des hérétiques par les musulmans et les juifs, mais ils avaient aussi la réputation d’avoir un goût pour les débauches sexuelles ce qui aurait difficilement pu être flatteur pour leur progéniture. Cette déclaration, qui était théologiquement justifiée par l'affirmation qui reflétait la liberté des fidèles sur les commandements bibliques en vertu de la nouvelle dispensation de Sabbetai Zevi, est décrit par le prédécesseur de Ezer Weizman, second président d'Israël, Yitzhak Ben-Zvi, dans son livre sur les communautés juives perdues, « The Exiled and the Redeemed » :
'Sainte Progéniture' Une fois par an [au cours de l’annuel « Sheep Holliday » des dönmehs] les bougies sont allumées au cours d'un dîner qui est accompagné par des orgies et d’une cérémonie de l'échange des épouses. ... Le rite est pratiqué dans la nuit traditionnelle de l’anniversaire de Sabbetai Zevi. ... On croit que les enfants nés de ces unions sont considérés comme des saints.
Bien que Ben-Zvi, qui écrivait dans les années 1950, pensait que « il y a des raisons de croire que cette cérémonie n'a pas été entièrement abandonnée et continue à ce jour », il y a peu de pistes pour savoir si l'une des pratiques traditionnelles du Dönmeh ou les structures sociales survivent encore dans la Turquie moderne. La communauté a abandonné Salonique avec d'autres turcs de la ville pendant la guerre gréco-turque de 1920-21, et ses descendants, dont beaucoup seraient de riches hommes d'affaires et commerçants à Istanbul, sont généralement connus pour avoir été totalement assimilés dans la société turque.
Après avoir envoyé mon fax à Batya Keinan, j’ai téléphoné pour vérifier si elle l’avait reçu. Elle l’avait en effet, dit-elle, et qu’elle aimerait le voir de façon à ce que le président puisse le lire lors de son vol à destination d’Ankara. Il est peu probable, cependant, que Mr Weizman en fera allusion lors de sa visite : Le gouvernement turc, qui pendant des années a évité les assauts des fondamentalistes musulmans sur sa légitimité et sur les réformes laïques d'Atatürk, a peu de chances de bien accueillir les nouvelles comme quoi le père du « Père des Turcs » était un crypto-juif qui a transmis ses sentiments antimusulmans à son fils.
Le secret de Mustafa Kemal est sans aucun doute celui qui préférerait à continuer à être maintenu.