mardi 1 mars 2016

L'épopée de Genç Osman, héro de la conquête de Bagdad

L’histoire de l’Empire Ottoman qui est très riche en récits épiques, est un exemple pour nous tous peu importe l’âge. Certains récits relatent l’incroyable force du cœur vis à vis de l’islam et défis de ce bas monde, et d’autres relatent les exploits des héros du passé qui ont marqués les esprits au point d’être encore remémorés avec admiration. Parmi ceux-ci, se trouve l’histoire de Genç Osman (Osman le jeune), un jeune garçon plein de courage qui voulait être soldat dans l'armée ottomane malgré le souhait du vizir qui voulait pour la campagne de Bagdad que des éléments expérimentés et donc des adultes vigoureux.

L’histoire se déroule sous le règne du Sultan Murad 4. Parmi les nombreuses conquêtes que comptait le Sultan Süleyman « Kanuni » à son actif, celle de Bagdad s’était déroulée en 1534 et la ville avait capitulé assez facilement face à l’armée imposante ottomane. Ainsi, Bagdad était devenu ottoman mais il ne l’était pas resté longtemps. 89 années après sa conquête, Bagdad était repassé aux mains des iraniens.


A ce moment, le sultan Murad 4 qui était à la tête de l’empire n’avait que 12 ans. Sa mère Kösem Sultan nommât Hâfız Ahmed Pacha au poste de Vezir-i Âzam (Grand Vizir, équivalent de 1er ministre du sultan) mais aussi en tant que Serdar-ı Ekrem (remplaçant du Sultan quand celui-ci ne se déplace pas en campagne) et le missionnât pour aller reprendre Bagdad des iraniens. Le 29 Mars 1626, Hâfız Ahmed Pacha se présentait aux portes de Bagdad muni d’une grande armée. Malgré tout les efforts, les fortifications ne cédaient pas et l’armée n’arrivait pas à pénétrer la ville. Face à cet échec, le Pacha conclut que pour une ville de cette importance telle que Bagdad, il ne disposait pas assez de soldats et, écrit un poème destiné au Sultan dans lequel il semblait se critiquer lui même alors qu’elle est adressée au Sultan.

Le Sultan Murad 4 prit alors la décision de nommer Hüsrev Pacha comme nouveau Vezir-i Âzam qui devenait aussi le Serdar-ı Ekrem de la campagne de Bagdad, en remplacement de Hâfız Ahmed Pacha. Hüsrev Pacha qui était un vizir persévérant et courageux voulait partir en campagne avec des soldats expérimentés et déclarait pour ce faire :
- Il n’y a pas de place dans cette armée pour les enfants dont la barbe et la moustache ne retiennent pas un peigne.
Dans un premier temps, la troupe prit la direction de Hamadan afin de couper les voies de ravitaillement et d’aides des soldats iraniens. Hamadan fut conquit après que son armée eut été mise en déroute par les ottomans. Pendant cette bataille, un officier janissaire qui avait remarqué un jeune soldat dont la moustache n’était encore que du duvet et qui avait fait preuve de beaucoup d’héroïsme, informât Hüsrev Pacha. 

Hüsrev Pacha qui punissait sévèrement ceux qui ne suivaient pas ses ordres convoque alors immédiatement les pachas et dit :
- Comment est ce qu’un enfant dont la moustache ne retient pas un peigne a-t-il pu se joindre à l’Ordu-yu Hümayuna (nom de l’armée ottomane) ? Qu’en dites vous ?
Les pachas avaient entendu ces dires déjà. Tous les soldats avaient vu un très jeune soldat à la fleur de l’âge et d’une grande beauté se jeter dans la bataille épée à la main sur son cheval blanc parmi l’ennemi. L’un des pachas prit alors parole :
- On l’appelle Genç Osman mon pacha !
Hüsrev Pacha fronçât alors des sourcils, il avait aussi entendu ce nom. Certes, personne n’avait vu son visage, mais sa popularité était grandissante. Puis il dit :
- Vous plaisantez, Genç Osman est-il un enfant ?
Les pachas se sont tus. Le BeylerBeyi (Grand Seigneur) d’Anatolie Murtaza Pacha avait les yeux remplis.

Après la conquête de Hamadan, l’armée ottomane rattrapât rapidement l’armée iranienne et lui imposât encore une grande défaite. Dans cet affrontement, Genç Osman s’était alors élancé sur son cheval au sommet de la bataille et avait renversé tous ceux qui lui faisaient face. Il avait ainsi joué un grand rôle dans la victoire de l’armée. Hüsrev Pacha demandât alors au commandant des cavaliers Murtaza Pacha de trouver rapidement ce garçon et de le lui amener. Après cet ordre, Murtaza Pacha sortit tandis que les regards de tous les pachas et des beys se dirigèrent vers la porte. Ils attendaient avec curiosité et enthousiasme. Après quelques temps, la portent s’ouvrit enfin et Murtaza Pacha accompagné d’un jeune garçon aux alentours de 15 – 16 ans aux allures d’un lion passèrent par la porte. Il s’approchât de Hüsrev Pacha avec des pas sûrs et lourds et le saluât. Le pacha lui demandât alors d’une voix grave et forte :
- Quel est ton nom ?
- Genç Osman.

- J’avais ordonné que ceux dont la moustache ne retenait pas le peigne ne soient pas pris dans l’armée. Ne sais-tu pas que ceux qui s’opposent aux ordres seront punis ?

- J’ai une moustache !
Pourtant Genç Osman n’avait ni barbe ni moustache. On ne pouvait pas plaisanter avec le Serdar-ı ekrem. Hüsrev Pacha sortit alors son peigne et le tendit :
- Prend alors, et plante le dans ta moustache !
Genç Osman a pris le peigne, et au milieu de tous les regards curieux le plantât au dessus de sa lèvre supérieure.
- Voilà la moustache mon pacha ! Le courage n’est pas dans la moustache, il est dans le cœur !
Les beys et les pachas baissaient la tête tandis que Murtaza Pacha ne pouvait retenir ses larmes et pleurait. Hüsrev Pacha voyant alors le sang coulant de la lèvre d’Osman dit :
- Repars vers ta troupe fils, je retire ce que j’ai dit.
Une nouvelle fois, Bagdat était encerclé par l’armée ottomane le 6 Octobre 1630. Genç Osman était devenu le porteur de drapeau de Murtaza Pacha. Les murailles qui avaient été ébréchées par les feux des canons étaient remplies de martyrs. Le 8 Octobre au soir, toutes les troupes étaient informées de l’assaut général qui se déroulerait le lendemain. L’assaut débutât le 9 Octobre et Murtaza Pacha avançait en tête du cortège avec Genç Osman à ses coté. Ils étaient très proches des murailles et les cris s’entremêlaient. Le porteur de drapeau en chef s’élançât en avant alors qu’il avait encore le drapeau en main et tombât. C’est alors le tour de Genç Osman qui regardait Murtaza Pacha. Il prit le drapeau et courut en passant la tranchée. Sans prêter attention aux balles ennemies qui tombaient comme la pluie, il s’approchât d’une tour et commençât à y grimper avec vigueur. Il arrivât enfin à son but et se retrouvât en haut des murailles puis il plantât alors immédiatement le drapeau tandis que son corps se retrouvait criblé de balles. Genç Osman rendait son dernier souffle et mourrait en martyr pendant que le drapeau flottait au dessus des murailles. Voyant le drapeau flotter, les soldats ottomans pensaient alors que la victoire était acquise ce qui leur donnait encore plus courage pour affronter l’ennemi déjà déstabilisé. Ainsi avec cette aide précieuse de Genç Osman, les soldats dans leurs derniers efforts repoussèrent les iraniens à l’intérieur des murailles et arrivèrent ainsi à pénétrer dans la ville.

La victoire passée, Hüsrev Pacha ordonnât qu’on retrouve immédiatement Genç Osman. Il voulait le récompenser et relater son héroïsme au Sultan. Il apprit par la suite qu’en plantant le drapeau sur les murailles Osman était mort en martyr. Toute l’armée ottomane ainsi que Hüsrev Pacha étaient tristes et quand le Sultan Murad 4 apprit à son tour les exploits de Genç Osman ainsi que sa mort, il aurait déclaré : « si seulement je n’avais pas conquit Bagdad et que mon Genç Osman restait en vie ».

Cette épique épopée d’un garçon voulant se battre pour sa nation ainsi que pour l’islam malgré son très jeune âge, qui est finalement tombé en martyr et en héro dans la prise de Bagdad est encore relaté aujourd’hui aux enfants pour le montrer que le courage et la détermination ne sont pas liés à l’âge mais à ce qu’on a dans le cœur. Genç Osman est aussi un exemple pour démontrer que le sens des responsabilités ne s’acquiert pas à 18 ans comme le veut la norme, mais que dès le plus jeune âge un adolescent peut être, s’il le veut, plus responsable qu’un adulte.

L'histoire de Genç Osman a aussi donné lieu à un ağıt (requiem) pour honorer sa mémoire afin que tout le monde se souvienne de son courage et de sa bravoure. Ce ağıt a fait partie de la panoplie de chants orchestré par le Mehter sous les ottomans et encore aujourd’hui, il l’un des préférés lors de représentations de Mehter.